Par un arrêt du 24 février 2006, la Cour de Cassation rend possible la délégation de l’autorité parentale dans un couple lesbiens.
Dans un couple homoparental, l’un des conjoints est toujours en retrait, il n’a légalement aucun droit sur l’enfant, même s’il l’élève depuis des années. L’inquiétude est grande pour le couple de déterminer ce qui peut advenir à l’enfant en cas d’accident du parent biologique.
L’une des solutions est la délégation de l’autorité parentale qui permet au parent biologique, titulaire de l’autorité parentale, de déléguer à son compagnon ou sa compagne une partie de cette autorité.
La Cour de Cassation a considéré que l’intérêt supérieur de l’enfant exigeait cette délégation de l’autorité parentale afin de permettre, en cas d’accident que la concubine de la mère puisse continuer à tenir son rôle éducatif puisque l’enfant n’avait pas de père connu.
En application de cette jurisprudence il est donc possible à un parent biologique seul titulaire de l’autorité parental, qui élève son enfant avec son compagnon ou sa compagne et vit en couple stable, de demander la délégation d’autorité parentale sous réserve bien entendu des conditions des articles 377 et 377-1 du code civil.
C’est ainsi que par une décision de mars 2007, j’ai pu obtenir pour l’une de mes clientes une décision (ci-dessous) de délégation et partage de l’autorité parentale. Il s’agissait d’un enfant né d’une insémination artificielle avec donneur anonyme effectuée en Belgique, donc de père définitivement inconnu. La mère génétique a un métier qui l’amène à voyager beaucoup et à déléguer en pratique le quotidien de l’enfant à sa compagne avec laquelle elle élève l’enfant depuis sa naissance.
Le tribunal de grande Instance de Paris a considéré que les conditions étaient parfaitement remplies et par une décision de mai 2007 a déclaré conjointe l’autorité parentale sur l’enfant. Le parquet ne s’était pas opposé à la demande et la décision est devenue définitive. Vous trouverez ci-dessous cette décision, les noms et dates étant bien entendues masqués par respect de la vie privée de mes clientes.
C’est donc avec surprise que je viens de prendre connaissance de l’attitude contraire et particulièrement abrupte du parquet de Lille dans une affaire somme toute assez similaire.
Les deux femmes vivent ensemble depuis plusieurs années et chacune est la mère biologique d’un enfant né d’une fécondation in vitro. Les deux femmes élèvent ensemble leurs enfants et ont l’une et l’autre des obligations professionnelles les amenant à s’éloigner du domicile familial parfois pour plusieurs jours. La situation est donc sensiblement identique à celle de mes clientes et d’ailleurs le tribunal dans une décision fort bien motivée a fait droit à leur demande.
Curieusement le parquet semble avoir été particulièrement réticent dans cette affaire, qu’il a fait durer plus que de raison, et les demanderesses ont du instister pour avoir une date d’audience et aujourd’hui il en interjette appel et se déclare prêt à aller en Cassation.
Le parquet semble en outre préciser, selon l’article est les propos tenus par l’avocat qu’il s’agirait d’instructions provenant directement du Ministère de la Justice.
Ainsi que la Cour de Cassation l’avait justement noté et que le juge de Lille l’a clairement exprimé, il s’agit pourtant d’une décision nécessaire à l’intérêt des enfants et le fait que les mères soient lesbiennes ne saurait être un argument recevable.
Cette attitude du parquet de Lille est tout à fait choquante, espérons qu’elle ne sera pas suivie, ni par la Cour d’Appel, ni par la Cour de Cassation le cas échéant.
A suivre…